SE REBÂTIR UNE VIE STABLE DANS UN MILIEU SÉCURITAIRE
Après l’hébergement d’urgence ou des épreuves majeures de la vie, se reconstruire une vie n’est pas facile ni rapide. Les services résidentiels offrent un milieu de vie sécuritaire et permettent aux femmes de prendre le temps nécessaire pour se réapproprier une vie stable à La Résidence et par la suite, en logement autonome.
244 femmes (seules, avec enfants ou familles) ont bénéficié de l’accompagnement et du soutien offerts par nos services résidentiels.
La détresse et l’angoisse causées par la crise sanitaire et la médiatisation accrue des cas de violence conjugale ont grandement affecté le parcours des femmes à la recherche de mieux-être au sein de notre programme de réinsertion. De même, la pénurie de logements abordables a retardé, pour plusieurs d’entre elles, la possibilité d’un retour dans un chez-soi stable.
Nous avons dû adapter nos modes d’intervention pour répondre aux normes sanitaires, tout en maintenant une présence constante, en personne, auprès des résidentes et locataires qui avaient besoin plus que jamais d’une présence pour les rassurer et les accompagner.
La vulnérabilité des femmes en situation de violence a globalement été exacerbée par les mesures de distanciation sociale, l’isolement, le télétravail, la flambée des prix des logements et le manque de places disponibles dans les ressources d’hébergement d’urgence. Pour celles atteintes de la COVID, la situation était encore plus complexe. Pour répondre à ces besoins criants, nous avons obtenu du financement du Fonds d’urgence pour l’appui communautaire du gouvernement fédéral ainsi que du Secrétariat à la Condition féminine et du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et conclu des ententes de collaboration avec le CIUSSS du Centre-Ouest-de l’Île-de-Montréal.
Nous avons ainsi revu et enrichi nos pratiques d’intervention auprès des femmes victimes et survivantes de violences conjugales, vivant à l’intersection d’autres contextes de vulnérabilités, dont l’immigration, l’itinérance et la santé mentale. Nous avons également pu élargir et adapter nos services pour accueillir, entre autres, des femmes et leurs enfants atteintes de la COVID, ayant besoin d’hébergement d’urgence tout en s’isolant de manière sécuritaire. Finalement nous avons offert de l’hébergement temporaire pour des femmes et leurs familles en attente d’un logement. Elles ont ainsi pu trouver un espace sécuritaire où se poser, trouver du soutien et de l’accompagnement vers la recherche de solutions durables.
Ces services ont été rendus possibles grâce à l’embauche d’intervenantes pivots qui ont permis d’étaler les heures de services pendant le soir et les fins de semaines. Toutes ensemble, avec l’équipe des services résidentiels, elles ont assuré un soutien et un accompagnement en personne, 24h/7j en collaboration avec des partenaires intersectoriels. Ce fut un vrai travail d’équipe!
Les inégalités entre les femmes et les hommes sont singulièrement marquées lorsqu’on regarde la sécurité et le logement abordable. Les défis auxquels les femmes font face sont multiples et peuvent mettre en péril leur survie et celle de leurs enfants, comme en font foi les données qui suivent.
Lors du dernier dénombrement sur l’itinérance visible à Montréal, les femmes représentaient 24 % des personnes dénombrées.1 Ce chiffre ne tient pas compte de l’itinérance cachée, caractéristique de l’itinérance des femmes : chez des ami·es, de la famille, des inconnus en échange de services sexuels, etc. Parmi les femmes en situation d’itinérance, les autochtones et les immigrantes sont surreprésentées et ces dernières sont le plus fréquemment accompagnées de leurs enfants.
De 73 % à 81 % des femmes itinérantes sont ou ont été victimes de violence, psychologique, physique ou sexuelle, selon des études menées à l’échelle du pays.2 La pandémie a accentué ces violences, les rues désertes et les commerces fermés offrant moins de possibilités pour échapper à cette violence.
SOS Violence conjugale a reçu 7 000 appels de plus en 2020‑2021 qu’en 2019‑2020.3 Pour leur part, les maisons d’hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants ont également été plus sollicitée et près de 15 000 demandes d’hébergement auraient été refusées au Québec 4, faute de places disponibles. Finalement, un sondage indique que 50 % des violences subies par les femmes admises en 2020 étaient plus graves qu’à l’habitude.
Le pourcentage de troubles de l’humeur et d’anxiété est significativement plus élevé chez les femmes que chez les hommes.5 Les abus physiques ou sexuels durant l’enfance sont des facteurs de risque majeurs, tout comme la négligence, la violence conjugale, sexuelle ou le harcèlement. D’autres facteurs de risque incluent une faible scolarité, un faible revenu, la précarité d’emploi, la monoparentalité et un statut d’immigrant ou de réfugié.
D’autre part, la pauvreté constitue un des indicateurs les plus puissants de l’augmentation, de l’alourdissement et de la persistance des problèmes de santé mentale dans la population; et les statistiques démontrent que les femmes, particulièrement les mères cheffes de famille et les femmes âgées, sont parmi les plus pauvres de la société.6
En juin 2019, le taux d’inoccupation des logements était de 1,9 % à Montréal et de 0,8 % pour les logements familiaux de trois chambres à coucher ou plus. Cette situation affecte particulièrement les femmes car elles sont responsables de plus de la moitié des ménages locataires et à la tête de plus de 80 % des familles monoparentales.
De plus, Montréal est particulièrement affectée par la cherté des loyers : un 4 ½ coûte en moyenne 1 317 $ par mois et les grands logements sont autour 1 563 $.7 Plus pauvres que les hommes, il n’est pas surprenant que les femmes soient presque cinq fois plus nombreuses que ces derniers à consacrer plus de 30 % de leur revenu pour se loger.8
Grâce à un suivi psychosocial hebdomadaire et à un vaste éventail d’ateliers de développement personnel, de causeries et d’activités conçus et offerts par une équipe d’intervenantes multidisciplinaires, les résidentes retrouvent la capacité d’agir sur leur vie et cheminent vers plus d’autonomie et de stabilité en logement. Le soutien communautaire dans nos appartements et les consultations externes permettent de consolider et de conserver cette stabilité et autonomie à long terme.
Des services d’hébergement d’urgence pour femmes atteintes de la COVID ont été offerts ainsi que du logement temporaire pour familles en attente de trouver un chez soi
La Résidence
34 chambres au sein d’un programme de réinsertion sociale avec suivi psychosocial hebdomadaire.
Le nombre de femmes accueillies est plus bas que lors des années précédentes car, lors des trois vagues de la pandémie, nous avons dû arrêter les nouvelles admissions pour éviter les éclosions.
Durée moyenne du séjour : 5 mois et demi.
Consultations externes
Un suivi de transition de 6 mois, offert aux femmes qui ont quitté La Résidence. Ce soutien est essentiel car il assure la stabilité en logement, la prévention, la diminution des hospitalisations et l’autonomie à long terme des femmes que nous accompagnons.
Les Jardins du Y
21 appartements avec soutien communautaire.
Les Jardins du Y peuvent accueillir des femmes sans statut et des étudiantes, plus vulnérables à l’itinérance car elles ne sont pas éligibles aux logements abordables subventionnés. Trois femmes dans cette situation ont bénéficié d’un logement sécuritaire et abordable.
Taux d’occupation : 100 %.
Brin d'Elles
59 appartements avec soutien communautaire (dont 16 réservés aux résidentes du Y des femmes). Ces appartements sont gérés en collaboration avec la corporation Brin d’Elles et répartis sur trois sites (Saint-Michel, Saint-Laurent et Villeray).
Taux d’occupation : 100 %.
Logement temporaire
La crise marquée du manque de logements abordables, salubres et sécuritaires a provoqué de grands besoins et causé beaucoup d’incertitude chez nombre de familles à partir du mois de juillet. Nous avons transformé nos espaces pour que des femmes, certaines avec leurs enfant ou famille, puissent se déposer, se sentir en sécurité et gagner du temps pour trouver un endroit stable où se loger.
La durée moyenne de leur séjour était d’environ 3 mois.
Hébergement d'urgence COVID
Nous avons mis sur pied une zone rouge spécialement conçue pour accueillir des femmes et leurs enfants atteints de la COVID et ayant besoin d’hébergement d’urgence, entre autres pour des raisons de violence conjugale ou familiale.
Stabilité et autonomie
Sur les 23 femmes qui ont terminé leur parcours à La Résidence, 20 femmes ont trouvé un endroit stable où habiter (dont 6 dans nos projets de logement).
1 Je compte Montréal 2015. Dénombrement des personnes en situation d’itinérance à Montréal le 24 mars 2015, p. vi.
2 Gélineau, L. (2008). La spirale de l’itinérance au féminin : pour une meilleure compréhension des conditions de vie des femmes en situation d’itinérance de la région de Québec, Rapport de la recherche qualitative, Québec, 130 p.; Plante, M.-C. (2007). Lutte contre la pauvreté au Québec : le cas des jeunes femmes itinérantes, Université de Montréal, Faculté des études supérieures, Montréal, 138 p.
5 Statistiques Canada, Martin Turcotte. Les femmes et la santé, http://www.statcan.gc.ca/pub/89-503-x/2010001/article/11543-fra.htm#a2
6 Réseau québécois d’action pour la santé des femmes. Femmes et santé mentale, http://rqasf.qc.ca/files/santementale.pdf
7 https://rclalq.qc.ca/wp-content/uploads/2020/06/La-flamb%C3%A9e-des-loyersVF.pdf
8 Table des groupes de femmes de Montréal. État des lieux des enjeux de logement vécus par les Montréalaises, mars 2019.